Communiqué de presse du CIRÉ du 12 juillet 2017
Le 10 juillet 2017, la commission de l’Intérieur de la Chambre a voté deux projets de loi visant la transposition de directives européennes. Le vote est intervenu 17 jours seulement après la présentation en commission d’un texte de 400 pages : 70 articles de loi qui modifient en profondeur la loi sur les étrangers et l’asile. Le temps d’analyse laissé à l’opposition et au secteur pour un texte qui a été préparé pendant 4 ans par le gouvernement, l’Office des étrangers et le CGRA a été très insuffisant, empêchant ainsi des discussions approfondies et étouffant le débat démocratique. Ce lundi, les députés ont voté dans l’urgence ces projets, majorité contre opposition, sans avoir reçu d’éclairage du HCR et sur base de notes partielles d’associations, dont Myria, le CIRÉ et Vluchtelingenwerk Vlaanderen, qui n’ont eu d’autre solution que de rendre une analyse non approfondie. La méthode utilisée par le Secrétaire d’État à l’asile et à la migration et du gouvernement est scandaleuse. Et les modifications de fond font froid dans le dos.
Qu’ont-ils à craindre si un vrai débat a lieu ? Que l’on puisse apprécier à quel point le gouvernement consacre son énergie et l’argent du contribuable à repousser les étrangers, enferré dans une vision répressive et dissuasive. 60 à 70% des demandeurs d’asile mentiraient au cours de leur procédure d’après le Secrétaire d’État… et c’est sur cette estimation ni vérifiée, ni vérifiable qu’est basé tout l’esprit du projet de loi : sanctionner la fraude, enfermer à tour de bras. Même s’il s’en défend, cela pourrait aboutir à un enfermement quasi-systématique des demandeurs d’asile, qui entrent en majorité dans l’un ou l’autre des onze critères de détention définis par le projet de loi. Cela reflète une connaissance très faible de la réalité du calvaire enduré par ceux qui atteignent la Belgique, ayant appris à se méfier, à ne pas tout dire, à cacher leurs documents tout au long du parcours migratoire, pour simplement survivre. Cela en dit long sur la volonté d’instrumentaliser le droit d’asile pour faire valoir une vision purement et simplement xénophobe et dévoyer l’esprit qui a poussé, un temps, la Belgique à ratifier la Convention de Genève.
Ainsi, les projets légitiment le recours à la détention quasi-systématique des étrangers en séjour irrégulier et des demandeurs d’asile, sur le territoire ou à la frontière. De plus, ils portent atteinte à la vie privée en permettant aux agents de regarder dans les téléphones ou ordinateurs des demandeurs d’asile, un refus de la part de ces derniers entrainant une indication négative quant à la véracité de leur récit. Ils mettent également à mal l’indépendance du CGRA, qui sera soumis de plus en plus à l’autorité du Secrétaire d’État et de l’Office des étrangers, alors qu’il s’agit d’une autorité qui se doit de rester neutre. Enfin, ils introduisent la notion de pays tiers sûrs, permettant de renvoyer un demandeur d’asile vers un pays dont il n’a pas la nationalité, dans lequel il n’est pas certain qu’il serait accepté, mais avec lequel il entretiendrait un certain lien. Cela pourrait signifier un renvoi par la Belgique de toutes les personnes passées par des pays tels que la Libye ou l’Égypte, qui pourraient éventuellement être qualifiés de « sûrs » !
Alors que cette année est en voie d’être la plus meurtrière pour les migrants qui tentent de traverser la Méditerranée, que des milliers de personnes fuient chaque jour des conflits et des persécutions, que la solidarité et l’entraide de l’Europe vont à reculons, la Belgique emboite le pas des pays les plus répressifs en légiférant sur base de craintes, de stigmatisations et d’estimations, confortant ainsi l’opinion dans une vision populiste.
Voilà comment un pays perd ses garanties démocratiques, porte atteinte aux droits fondamentaux et renonce à la solidarité. Il s’agit du nôtre. Il est plus que temps de réagir.